Nous avons deja aborde le cas de cette ile incluse dans la megapole tokyoite, aussi bien a la rubrique culinaire pour vous presenter rapidement la fameuse specialite des lieux, les tsukudani, qu'au cours d'une petite serie d'Image du Jour en decembre 2006.
Il nous est cependant apparu que l'ile meritait bien d'etre mentionnee a la rubrique touristique de
Japon Ichi tant les lieux renferment une atmosphere tres particuliere et represente en soi une curiosite souvent ignoree des guides touristiques, bien qu'elle vaille a notre avis, le detour.
Voici donc un petit portrait de Tsudajima, avec en fin de sujet, une surprise de taille.
Nous voila a la fois au coeur et hors de Tokyo, au bord de ce canal tranquille qui nous rappelle qu'il y a moins de cinquante ans, autour de cette ile, s'etendait la mer infinie, et que pour venir et se rendre dans la Capitale, il fallait prendre un bac... ou etre sacrement bon nageur.
Cette ile aujourd'hui entierement enclavee, fut pourtant jadis l'un des secteurs les plus prosperes d'Edo, quand les habitants des lieux tenaient entre leur main un privilege hereditaire, le controle d'un partie non negligeable du negoce des produits de la mer, sorte de "super-Tsukiji" avant l'heure. Desormais cependant, cette ile qui n'en est plus une, vit son existence presque au ralenti, rythme quasi-surnaturel qui pourrait laisser croire au visiteur de passage que le temps s'est arrete dans cet ancien port d'echanges encore si impregnes d'un certain mode de vie disparu un peu partout ailleurs, et toujours dedie a la confection artisanale des fameux
tsukudani (cliquer ici).
Nous allons donc penetrer sur cette ile ensemble par la grande porte, ou plutot par le petit pont, pour une decouverte de ce quartier si peu connu des etrangers, et assez souvent meme, des habitants de Tokyo...
Sur l'ile, les maisons neuves cotoient sans arrogance les baraques delabrees, chacune sachant coexister sans heurter l'autre, comme dans une bonne famille. Il faut dire aussi qu'ici, le calme regne en maitre et il semblerait deplace de venir en ces lieux pour faire du tapage. Quoique finalement, y aurait-il seulement quelqu'un pour entendre
l'arbre qui tombe seul au fond de la foret ? Voyez comme les rues sont desertes, et font presque penser a un decor de cinema...
C'est que comme nous l'avons deja indique, l'inexorable sablier semble avoir suspendu son egrenement a Tsukudajima, et seuls quelques reliques du temps jadis nous rappelent qu'au fond, l'illusion ne doit pas nous faire oublier la lecon des
Bergers d'Arcadie de Nicolas Poussin
(cliquer ici)De cette borne, le bac faisait son aller-retour entre Tsukudajima et Edo-centre plusieurs fois par jour. En d'autres siecles.
Mais il ne serait question de venir sur Tsukudajima, sans repartir avec une ou deux boites de tsukudanis sous le bras, cette preparation qui avait tant plu au fondateur de la dynastie des shoguns Tokugawa... Et pour etre bien certains de ne pas vous tromper, voici deux des enseignes les plus representatives des fabriques de tsukudani, ou on les confectionne avec soin suivant une recette de plus de 400 ans d'age !
Admirez tout le classicisme rustique de ces boutiques qui, rien que par leur apparence, donnent envie de gouter ce qu'on peut y vendre...
C'est dans une rue deserte qu'une voiture de maitre avec chauffeur a gants blancs, s'arrete. Devant cette boutique pour etre precis. Le patron en descend et apres avoir achete quelques boites, ressort l'air satisfait du chat qui a mange une souris. C'est sur, quelle que soit l'importance de sa fortune, le tsukudani reste son peche-mignon. Evidemment, nous n'avons pas pris de photo de cette scene, question de discretion. Nous apprecierons par consequent, d'etre crus sur parole.
Devant l'une des plus fameuses manufactures de tsukudani de l'ile, nos pas croisent ceux d'une dame qui nous confie etre venue de Kyoto; cela faisait pres de dix ans qu'elle avait forme le projet de se rendre a Tsukudajima dont la reputation ne se limite certes pas aux seuls arrondissements de la Capitale. Madame semblait emue a la lecture des steles commemoratives, et apres un brin de causette, nous nous sommes quittes contents d'avoir rencontre sur cette Terre, d'autres soi a la recherche du temps perdu.
Or ce temps que nous croyions suspendu par on ne sait quel sortilege, continuait de courir tandis que nous sillonnions ce quartier, reflet d'une autre epoque. Nous le laissons donc a contrecoeur, et comme Loth pris d'un regret, nous nous retournons une derniere fois pour contempler de loin Tsukudajima, l'ancienne reine des pecheurs. Mais deja, les petites maisons semblent avoir ete submergees par les gratte-ciels de notre siecle, qui a leur tour livrent une lutte perdue d'avance, contre la nuit qui etend ses bras autour de la ville qui s'eveille tout doucement, a d'autres illusions.
BONUSComme annoncee en debut de sujet, voici la petite surprise que nous reservions aux courageux qui ont pousse la lecture de nos propos jusque-la: un reportage de 21 minute de NHK, consacre a Tsukudajima... en 1957. Temoignage poignant d'une epoque a la fois proche et deja si lointaine, ou vous decouvrirez aussi bien les lieux, tantot inchanges, tantot meconnaissables, mais aussi les japonais d'apres-guerre.
Reportage entierement en japonais, mais les images comme vous allez le voir, se passent souvent de commentaires. Bon documentaire a tous !