Vitrophanies

Quand on montre des images du Japon a la television francaise (et pas seulement francaise, bien evidemment) il est de coutume, il est meme pourrait-on dire une figure imposee par l'esprit gregaire partage par un grand nombre de journalistes et de cineastes, de faire apparaitre des le debut du reportage et si possible tout au long par "petites touches" des images de quartiers atypiques de Tokyo, Shibuya et Akihabara en tete et par ordre de priorite.

Dans ces sequences au montage frenetique (donnant plus volontiers dans l'excentrique que dans le representatif) se telescopent systematiquement enseignes lumineuses a effet stroboscopique, panneaux-video geants, affiches demesurees, toutes choses qui amenent au final le telespectateur etranger qui ne connait rien du Japon, a se faire une idee bien orientee du paysage urbain nippon, qu'il imagine delirant, schizophrenique, partout bruyant, clignotant et abrutissant, comme si l'echelle humaine avait ete partout depassee et que le Japonais lambda ne fonctionnait plus, comme un chien pavlovien, qu'au "gros stimuli" audio-video repetitif.

Erreur ! Une de plus. Et peut-etre devrais-je dire imposture, si je n'etais meme certain que ceux qui colportent sans cesse ce genre de cliche n'etaient pas eux-memes mus par la simple inclination a montrer ce qui les a marque eux... dans les reportages des petits copains de metier.

Bref, la publicite - puisque c'est le theme general de cette rubrique - sait aussi se faire "a hauteur d'homme", petite, discrete (quoi que tres presente), elegante meme, a portee de tous sans avoir a assaillir incessamment les nerfs optiques et auditifs. Il s'agit notamment des affiches-vitrophanies, c'est a dire de ces affiches retro-eclairees qui ornent les paroies des quais de gares et de stations de metro, et qui presentent assez souvent des images plus douces, et offrent la possibilite a des marques locales, voire de quartier, de faire parler d'elles et de toucher le simple passant.

Un exemple parmi tant d'autres pour commencer: une boutique de kimono pour hommes, ROFUTEI, qui fait la promotion bien evidemment de ses propres produits, mais en meme temps, participe a la remise au gout du jour de ce type de vetement dont l'amorce semble se confirmer, les premiers jours de l'annee ayant ete bien plus "peuples" d'hommes en kimono que les annees precedentes.




Nous decouvrirons donc dans ce fil, a partir de maintenant, des vitrophanies d'entreprises locales ou de marques venerables, qui tranchent avec les "mega-pub" et donnent une vision un peu plus exacte de ce qu'est la communication "proche du citoyen", proche car plus a son echelle, et tres exactement disseminee tout au long de son trajet quotidien.

En plus c'est un magasin spécialisé en kimonos d'occasion pour hommes, ce qui est plus rare que les magasins de kimonos d'occasion pour femmes (même s'ils semblent en proposer aussi). Il faudra que je pense à noter l'adresse, car je passe souvent du côté de Ebisu, où semble se trouver cette boutique...

Sinon oui, l'image de Tokyo à l'étranger c'est les néons, les carrefours géants de Shibuya, et les rames de métro aux heures de pointe, quand le contrôleur pousse les gens pour en faire rentrer au maximum....

Soyons justes, il existe aussi chez les Japonais une certaine tendance à réduire Paris (voire la France) à la Butte Montmartre et à la Place Dutertre, avec ses chansonniers et ses accordéonistes, comme ça devait être du temps d'Edith Piaf...

Chaque pays a ses points "stratégiques" propres à faire rêver ou à frapper l'esprit des étrangers.

Pour en revenir aux néons, ils me font aussi penser à certaines villes d'Asie, comme Hong-Kong, ou à Manhattan...

Citation :

Soyons justes, il existe aussi chez les Japonais une certaine tendance à réduire Paris (voire la France) à la Butte Montmartre et à la Place Dutertre, avec ses chansonniers et ses accordéonistes, comme ça devait être du temps d'Edith Piaf...

Personne ne le nie mais le ridicule des uns n'attenue nullement celui des autres. De toute facon selon moi, se focaliser sur le detail d'un pays et en faire le tout, ou la partie la plus representative (quand en plus c'en est la moins) si ceci peut se concevoir de la part de touristes qui ne sont certes pas tenus a autre chose qu'a aller depenser sans compter leurs economies dans tous les commerces de l'Hexagone pour notre bien mutuel, tout cela donc n'a rien de sain sur un plan mental ou moral. Mental car prendre la partie pour le tout est la marque d'un esprit etroit ou impregne de parti pris. Moral car ceux dont c'est le metier se doivent de rapporter sur le Japon dans un sens, sur la France dans l'autre, des informations significatives et representatives de la plus grande partie d'un pays, au lieu de se "specialiser" dans un carrefour, une avenue, une classe de personnes tres particuliere... Pour ce qui est de l'image de la France au Japon, je laisse le soin de la rectifier a quelque japonais desireux de lancer sur la toile son Furansu-Ichi s'il le veut. Il a pour cela ma benediction. Pour ce qui est du Japon, il y a deja notre site et une pincee d'autres, qui veillent au grain, et dont la raison d'etre est de dresser un tableau sincere de ce qu'est le Japon tel qu'il est et non l'espece de fantaisie que nous servent et nous reservent sans jamais s'en lasser, les masse-medias classiques, tout autant qu'une constellation de sites francophones dedies au Japon et dont le contenu ne peut que laisser songeur...

Mais foin de toutes ces considerations dont l'actualite sans cesse renouvelee nous montre qu'il y a encore du pain sur la planche, et revenons plutot a une seconde vitrophanie qui nous donne a voir cette fois-ci l'affiche d'une dame en kimono a genoux, qui semble nous reveler le contenu de son baluchon: une boite.




Une boite de feuilles d'algues, de la celebre et tres ancienne entreprise Yamamoto, qui faisait le commerce de ce genre d'aliment deja a l'Epoque Edo. Detail amusant, la dame qui apparait sur cette affiche est une ancienne vedette du nom de... Yamamoto. Comme quoi, on ne semble pas manquer d'humour, dans l'algue !

Les rames comme les couloirs sont en general assez bien ventiles, quoique certaines stations comme Kayabacho, n'echappent pas aux remugles nauseabonds qui savent si bien s'infiltrer par le moindre interstice des voies souterraines... mais la n'est pas la question, car nous etions precedemment en presence d'une annonce visant a attirer l'attention des passagers sur leur propre haleine... chez nous, c'est plus discret, a la facon Cachou, a moins que l'on prefere jouer - encore une fois - sur la gamme du charme et de la seduction. Quoiqu'on en pense, c'est tout de meme moins "fun" (marrant) que se faire interpeller par un "tout le monde pue !", vous ne trouvez pas ?

Mais passons a l'affiche suivante si vous le voulez bien, et decouvrons ensemble une publicite qui laisse probablement songeur celui qui n'est pas trop habitue a ce genre de chose...




En effet, le personnage qui illustre cette affiche de moyen-grand format retro-eclairee placee dans de nombreux lieux publics met en scene non pas un homme, mais une femme a l'apparence ambigue, qui se trouve etre en l'occurence une vedette de la troupe theatrale exclusivement feminine TAKARAZUKA (dont nous avons plusieurs fois parle sur notre site). C'est que les publicitaires et les annonceurs n'hesitent pas, au Japon, a demander a quelques travestis - voire transsexuels - celebres d'intervenir en faveur de leur marque, meme quand il s'agit par exemple de produits en principe destines uniquement aux femmes. Alors, cela veut-il dire que les japonais ont l'esprit plus large que les francais, ou qu'ils n'accordent d'importance qu'a peu de choses, tout le reste leur etant indifferent ou simple motif d'amusement ? Chacun choisira suivant la connaissance qu'il a de ce peuple qui n'a pas fini de nous surprendre...

Station de metro Nihombashi, coeur de Tokyo, coeur du Japon. Une affiche retro-eclairee attire notre regard, celle qui annonce que depuis un mois et pour un mois encore se tient dans la Capitale, une exposition a la gloire de Perry et de Harris.




Perry pour les rares qui ne le sauraient pas encore, est l'amiral americain qui a "ouvert" le Japon au Monde, ce qui n'est vrai qu'en partie, mais la partie vraie est tout de meme fort significative.
Harris est quant a lui le premier Consul americain au Pays du Soleil levant, personnage obscur s'il en est que nos amis du Nouveau Monde s'entetent a presenter comme un personnage clef, et a ecrire jusque sur Wikipedia qu'il est une figure marquante de l'Histoire du Japon "au point d'etre de nos jours encore, fete dans ce pays". Billevesees que tout ceci, Harris etait en realite un homme d'affaire tres fortune ayant reussi a se faire attribuer une position politique mineure par gout du commerce a grande echelle, il s'est donc surtout trouve au bon endroit au bon moment. Pour ce qui est de sa memoire fort honorable au demeurant, elle est principalement perpetuee par un non moins obscur Le barbare et la geisha avec John Wayne que nous avons rapidement evoque a la rubrique DVD (cliquer ici) il y a deja pres de deux ans de cela.




Que Perry revienne de facon chronique dans les medias est deja un peu surprenant mais son role dans les mutations sociales intervenues depuis l'Epoque Meiji fut indeniablement primordial a defaut d'etre preponderant. Perry merite donc sa place au pantheon des hommes qui ont compte au Japon. Mais Harris, vraiment ca me depasse. De deux choses l'une, ou bien les Americains sont a l'instigation de cette exposition pour rappeler aux Japonais le temps beni de leurs premieres rencontres, histoire de "rallumer la flamme" (ou de rappeler une "dette morale" ?) ou bien elle est purement le fruit d'une decision administrative japonaise qui tient par ce moyen a reaffirmer "l'attachement de la Nation nippone aux Etats-Unis d'Amerique", probablement a defaut d'acceder a d'autres exigences americaines comme la recente demande appuyee de la Maison Blanche, que le Japon mette un peu plus la main a la poche pour financer les efforts "communs" en matiere de defense...

Ceci etant dit, m'interessant a tous les details de l'Histoire du Japon, si j'en ai l'occasion avant la fin, je me rendrai a cette exposition qui se deroule donc jusqu'au 22 juin 2008 au musee Edo-Tokyo, gare de Ryogoku.

Notre professeur de géographie disait que chaque grande ville a son signe distinctif. Si l'on veut montrer qu'un film se passe à New York, on fait un plan sur la statue de la liberté; si un film se passe à Paris, hop! un plan sur la tour Eiffel, etc...
Nous nous sommes ensuite interrogés sur le signe distinctif du Japon. Nous avons pensé a la résidence impériale mais elle est bien caché et peu connue des "non-amateurs" du Japon, à la tour de Tôkyô mais elle aussi est peu connue et rappelle une certaine autre tour...
Nous en sommes arrivés à la conclusion que les rues saturées de néons, avec ses milliers de personnes traversant était le "truc" qui nous faisait dire "ah, ce film se passe au Japon!".
C'est vrai qu"il est bien malheureux que le Japon soit réduit à ces rue qui même dans Tôkyô sont minoritaires -il me semble.

J'aime beaucoup le concept de la pub pour la carte Visa, qui m'a rappelé la pub pour l’épilateur Philips qui met en scène un transsexuel, que l'on peut voir ces temps-ci sur nos petits écrans français.
Comme quoi, les Japonais ne sont peut-être pas les seuls à avoir l’esprit large !

Hronn a écrit:

J'aime beaucoup le concept de la pub pour la carte Visa, qui m'a rappelé la pub pour l’épilateur Philips qui met en scène un transsexuel, que l'on peut voir ces temps-ci sur nos petits écrans français.

Ça m'étonnerait fort qu'il s'agisse d'unE transsexuelLE, car leur combat quotidien est d'affirmer qu'elles sont des FEMMES à part entière!

Alors j'en vois mal une se présenter comme étant un homme. Il doit plutôt s'agir d'un travesti.

Sinon, le meilleur symbole du Japon est, à mon avis, le Mont Fuji. Sauf s'il s'agit de réduire le Japon à Tokyo...

Merci a vous deux pour ce petit echange qui aura peut-etre ouvert a certain(e)s d'entre nous de nouvelles perpectives...

Ceci etant dit, nous passons a present a la vitrophanie suivante qui fete l'arrivee - du moins au calendrier - de la belle saison pour autant, bien pluvieuse ces jours-ci encore...




Une affiche retro-eclairee qui creve la grisaille du morne printemps que l'on aura eu et qui ne semble pas decide a passer la main de sitot. En tout cas, des le retour des jours ensoleilles nous comptons bien suivre l'exemple donne ici et enfiler notre yukata, kimono leger en coton si agreablement haut en couleur, et si pittoresquement japonais.

Grosse surprise grace a une de ces affiches retro-eclairees japonaises, en decouvrant Nana Mouskouri ayant entame sa deuxieme vie c'est a dire une seconde carriere au Japon...




Eh bien non, ce n'est pas Nana, c'est Tanaka. N'empeche, quelle ressemblance ! Signalons accessoirement que cette dame est une specialiste du massage facial, prodiguant ses soins eclaires a d'autres dames refusant de laisser les rides s'installer sur leur visage, et publiant livre sur livre traitant de ce sujet. Le dernier en date: Tanaka Yukuko no taiseikei massage

BONUS
Une video de Nana dans un de ses plus gros tubes au Japon. Un tube que tout le monde reconnaitra surement, excepte pour la langue, helas, ni francaise ni japonaise...