Merci a toi Umi kara no hikari, d'avoir ouvert ce sujet qui a fait couler beaucoup d'encre dans les journaux francais, et comme d'habitude, pour dire des aneries grosse comme une maison, suivant la formule consacree.
On a beaucoup parle de
crise majeure (si ca c'est une
crise majeure, comment va-t-on desormais qualifier le syndrome chinois ?) voire de
debut de la fin pour le Japon dont on aime a plaisir a rappeler et amplifier les problemes qui sont avant tout conjoncturels et d'adaptation plutot que structurels et civilisationnels comme en France. La poutre et la paille, vous connaissez je pense... Mais il ne fallait pas s'attendre a autre chose de la plupart des journaleux qui ont pondu leur petit devoir du jour sans rien connaitre du Japon, tous les poncifs et les idees recues etaient sur le pont pour abetir le pauvre lecteur francais qui est bien mal servi par ceux qui sont payes pour l'instuire de ce qui est, et non de ce qui se fantasme dans certaines spheres....
Apres cette mise en bouche, passons au fond du dossier. Abe etait "programme" pour etre Premier Ministre, un jour ou l'autre, depuis celui de sa naissance, cela a meme ete annonce en ces termes dans les medias japonais, c'est dire s'il s'agit-la d'un secret de Polichinel. En effet, il fait parti du premier cercle du pouvoir, dont sont membres l'ancien Premier Ministre Mori, et nombre de "descendants en ligne directe" des pontes du P.L.D. et des tenants du pouvoir d'avant-guerre, voire d'avant Meiji : Hashimoto (decede), Koizumi Junichiro (a eu son tour), Abe Shinzo (vient de finir le sien), Aso Taro (descendant de Premier Ministre et une des plus grosses fortunes coloniales du Japon), Fukuda Yasuo (descendant d'un des peres fondateurs du PLD)...
Aso Taro et Fukuda Yasuo se voient tout deux comme premier-ministrables "de droit hereditaire" c'est d'ailleurs pourquoi Aso avait tres mal digere de s'etre fait souffle la place par Abe Shinzo, ce dernier n'ayant pourtant pas d'autre choix par la suite, que de nommer Aso a un poste d'importance (les affaires etrangeres) puis de le pousser vers le sommet du parti il y a quelques mois a peine. Une affaire qui rappelle un peu les relations qui ont pu exister entre le President Chirac et son rival, l'actuel President Sarkozy...
L'affaire etait donc entendue depuis des mois, pour ne pas dire des annees, Aso devait avoir son tour et le plus tot serait le mieux a ses yeux, quitte pour lui "a laisser la place relativement rapidement a son successeur", du moins sont-ce les propos-meme d'Aso Taro lors d'une reunion qui s'etait tenu entre lui et un autre pretendant, M. Tanigaki, quelques jours avant la victoire d'Abe... Une piece de theatre et rien d'autre. Car les Occidentaux sont naifs ou du moins font-il semblant de l'etre. En effet, depuis le haut moyen-age, les chefs de l'Etat japonais sont rarement ceux qui detiennent reellement le pouvoir, celui-ci etant generalement exerce par un sorte de directoire qui agit dans l'ombre et negocie pied a pied comme un cartel se partage un marche. Aussi Abe a-t-il ete choisi (et non pas elu par le Peuple, ca relativise pas mal de chose quand meme) par ses pairs pour son ascendance et son caractere plus que pour ses idees, dont on a pu constater mois apres mois que s'il en avait effectivement, il n'a du moins pas pu les mettre en oeuvre comme il l'entendait.
Mais de toute facon, l'heure d'Abe avait sonne et celui-ci devait partir, d'une facon ou d'une autre. Pas etonnant des lors que les scandales se soient multiplies depuis le mois de mai - quel politicien ne traine-t-il pas de casseroles ? - au point qu'Abe s'est trouve decredibilise d'une part vis-a-vis de l'opinion publique, et de plus en plus isole car personne ne voulait plus vraiment faire partie de son gouvernement, sachant tous savaient pertinemment qu'ils seraient forcement sacrifies pour atteindre a travers eux, le gouvernement Abe dans son ensemble.
Abe n'a donc eu d'autre choix que de partir, mais remarquons-le bien, sa demission est tout sauf une surprise. En realite pour beaucoup de japonais, ce n'est pas qu'il ait demissionne qui etonne, mais plutot qu'il ait finalement pu tenir aussi longtemps, avec tant de petits copains qui auront tout fait pour lui savonner la planche...
En outre, les journaleux hexagonaux qui poussent des cris d'alarme font preuve d'une belle inculture (ca non plus, ce n'est plus une surprise) car la fin d'un Premier Ministre pour cause de scandales, ca n'est pas l'exception mais plutot la regle au Japon, et ce depuis l'apres-guerre, c'est a dire depuis toujours dans le systeme actuel. Rares sont ceux comme Koizumi Junichiro a etre sortis par la grande porte, ceux-la doivent meme se compter sur les doigts d'une main. Donc la non plus, pas de quoi fouetter un chat. Et pas de
vacance du pouvoir comme il l'a ete souvent repete (les journalistes adorent les formules toutes faites) puisque comme je l'ai souligne plus haut, les decisions au sommet de l'Etat sont prises par une sorte de troika qui ne dit pas son nom. C'est un peu comme si on s'affolait de voir le pilote de l'avion aller aux toilettes, alors qu'il y a un pilote automatique a double ordinateur de bord, et dix copilotes pour prendre la releve !!!
Alors maintenant, la chute d'Abe Shinzo etait-elle une fin en soi ? En partie oui, pour les ambitieux comme Aso Taro, mais aussi pour une frange importante de son propre parti qui joue souvent la carte du remplacement d'urgence en cas de mecontentement trop important au sein de la population. Imaginez par exemple que l'UMP remercie sechement Nicolas Sarkozy a la fin de son "etat de grace" afin de repartir sur un nouveau troncon d'etat de grace grace a la mise en place d'un autre President. C'est pareil. En outre, le Japon commence a en avoir sa claque de payer pour les forces armees americaines suite a un traite bilateral signe entre les deux pays. Ce traite stipule que le Japon s'engage a fournir de facon quasiment illimitee, du carburant aux batiments de guerres americains (!!!) qui croisent dans l'Ocean indien. Imaginez un peu la facture, sur deja plus de cinq ans... Il apparait donc que la "crise" actuelle correspond - d'une pierre trois coups - au degagement du poste pour le suivant, a une fausse reponse positive au mecontentement populaire, et au pretexte reve pour essayer de ne plus tenir la parole donnee par Abe Shinzo au President Bush...
Et dire qu'en France, il y en a pour croire que le Japon est sur les rotules cette semaine...
Les journaux du jour, comme si vous y etiez
Alors, le prochain, ce sera qui d'apres vous ? Aso Taro ou Fukuda Yasuo ? A moins que la surprise soit de taille, car certains journaux nippons (il est vrai parfois "a sensations") vont meme jusqu'a avancer l'hypothese du retour aux affaires... de Koizumi, criniere au vent. Voila qui contenterait les journalistes francais, qui ont deja pour quatre ou cinq ans de fiches de pretes sur le personnage, alors qu'un autre, quel soucis !